Le Monde de la Musique N°274, Mars 2003 Les maitres de la vielle baroque **** Sonates et autres oeuvres de Dugué (?-?), Buterne (?-?), Dupuits (?-1759), Naudot (1762- ?), Ravet (?- ?), Marchand (1700-1781), Bàton (?-1758) Matthias Loibneor, Riccardo Delfino (vielles à roue), Laurent Le Chena-dec (basson), Thomas Wimmer (viole de gambe), Norbert Zeilberger (cla-vecin) 1 CD CPO 999 864-2 (distribué par Codaex France) Texte de présentation traduit en francais - Enregistré en 2002 - Minutage: lhll' DDD La particularité de la vielle à roue est que, comme la cornemuse, elle tient obstinément une note pendant qu'elle déroule la mélodie. Il en résulte que tous les airs qu'elle se charge d'entonner sont de vastes "pédales harmoniques" (note tenue d'un accord à l'autre), tous les accords du morceau doivent avoir une note en commun (la note tenue). Ce phénomène étant difficilement atteignable à l'échelle de tout un morceau, l'oeuvre doit alors ètre simple à l'extrème et contenir peu d'accords différents, d'où le caractère populaire de l'instrument. Dès lors, mème si les vitraux des églises, au XVe siècle, montrent des anges jouant de la vielle à roue, à partir du XVIIe siècle, c'est tout naturellement que l'instrument descend de son paradis pour servir de gagne-pain aux mendiants. Les mouvements vifs font bourdonner la note tenue quand les structures d'accords lui permettent d'apparaître. On croit entendre un enfant qui, ne sachant jouer que d'une seule corde à vide sur son violon, mais souhaitant participer au concert, cancane de temps à autre, quand l'harmonie permet qu'il joue son indéfectible sol. A la plage 5, l'enfant-note tenue joue presque en permanence, mème quand l'harmonie le lui interdit. C'est curieux, mais amusant. La plage 20 présente encore le méme phénomène, et c'est encore plus amusant. Le bourdon semble se moucher, à répétition, au milieu d'un concert. Dans le largo de la plage 7 (pour deux vielles), la "pédale harmonique" obtenue est moderne, très mélancolique, et l'effet de musique humble, sur l'instrument misérable, ajoute encore à l'émotion. Cette oeuvre composée vraisemblablement après 1750 rappelle ainsi le bouleversant et très peu connu "Adagio et fugue pour orgue mécanique" de Mozart. Jacques Amblard